Une étude vient de montrer que trois espèces de baobabs sont capables de se croiser entre elles.
Cette reproduction interspécifique serait un mécanisme évolutif pour mieux s’adapter aux changements environnementaux.
Ce phénomène vient d’être mis en évidence chez les baobabs par des chercheurs du Cirad et leurs partenaires* dans le cadre du projet Corus-baobab.
« Les premières études génétiques réalisées sur les baobabs montraient des incohérences, se souvient Pascal Danthu, biologiste au Cirad et coordinateur du projet, ce qui nous suggérait déjà l’existence d’un tel phénomène. »
Après plusieurs missions de terrain à Madagascar pour récupérer de l’ADN via des échantillons de feuilles ou d’écorces, les résultats sont sans appel : au moins trois espèces de baobabs pratiquent la reproduction interspécifique et donc l’introgression génétique.
Explications. Un arbre d’une espèce A peut féconder celui d’une espèce B. Donnant naissance à des descendants hybrides AB qui peuvent s’« acoquiner » aussi bien avec un « partenaire » A que B.
Mettons que cet arbre AB se reproduise avec un spécimen A, leurs « rejetons » feront alors partie de l’espèce A, sauf qu’ils auront désormais récupéré une partie du génome de leurs confrères d’espèces B.
Des arbres vieux de 1 000 ans mais génétiquement fragiles
Déjà observé chez les chênes par la généticienne Roselyne Lumaret, le phénomène d’introgression serait un mécanisme adaptatif lié à la longévité exceptionnelle des baobabs.
On peut rencontrer des spécimens âgés de près de 1000 ans !
Mais cette grande espĂ©rance de vie entraĂ®ne une grande inertie gĂ©nĂ©tique comme le souligne le gĂ©nĂ©ticien Jean-Michel Leong Pock Tsy : « Leur cycle de vie est trop long pour Ă©voluer grâce Ă la sĂ©lection naturelle de mutations ponctuelles telle que l’a dĂ©crite Darwin, l’introgression amĂ©liore le brassage gĂ©nĂ©tique par rapport Ă une fĂ©condation intraspĂ©cifique classique et permet très probablement une adaptation plus rapide aux modifications environnementales. «Â
Cette dĂ©couverte doit permettre de mieux gĂ©rer les aires protĂ©gĂ©es de manière Ă favoriser la cohabitation d’espèces diffĂ©rentes et les Ă©changes gĂ©nĂ©tiques entre baobabs.
De nombreux mystères à élucider
Grand mais fragile, menacé par la déforestation, le baobab reste scientifiquement méconnu.
Pascal Danthu assure que « le baobab surprend quel que soit l’angle d’étude. L’anatomie du bois est extrêmement complexe, l’architecture de l’arbre défie les modèles classiques et les relations qu’entretiennent les populations malgaches avec eux sont fascinantes. »
Les chercheurs tentent de percer une autre énigme : la faible présence de petits baobabs dans les forêts malgaches.
Ce déficit de régénération fait dire à certains que ces arbres seraient des fossiles vivants, des vestiges encore actuels du seul fait de leur longévité.
Mais n’est-ce pas plutĂ´t un des effets du rĂ©chauffement climatique ou de l’activitĂ© humaine ?

En juin dernier, une mission de terrain le long du fleuve Mangoky, à l’est de Madagascar, a ouvert une première piste de réponse : dans cette région où la présence humaine est faible, la démographie des populations de baobabs semble plus normale que dans les zones plus habitées.
* Le projet Corus-baobab est coordonnĂ© par Roselyne Lumaret, gĂ©nĂ©ticienne au CNRS et Pascal Danthu, biologiste au Cirad et animateur de l’unitĂ© de recherche en partenariat «ForĂŞts et Biodiversité», un dispositif prioritaire du Cirad Ă Madagascar. Les partenaires du projet sont le Cirad, l’UniversitĂ© d’Antananarivo, le CNRE, le Fofifa, le CNRS, l’IRD, l’UniversitĂ© Montpellier 2, le MNHN, le Royal MusĂ©um de Bruxelles et l’UniversitĂ© de Barcelone.
Sources : Cirad, C. Cornu. la recherche agronomiques pour le développement www.cirad.fr
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